[Portrait] Mike Tomlin : derrière les lunettes de soleil

Entraineur respecté et stylé, Mike Tomlin est un homme discret et donc méconnu.

Mike Tomlin

Né le 15 mars 1972 à Hampton, Virginie
Entraineur, Pittsburgh Steelers, 14e saison

Mike Tomlin est un meneur d’hommes. Son charisme peut expliquer sa faculté à être un leader de vestiaires, son intelligence explique ses résultats. Respecté mais méconnu du grand public, gros plan sur l’homme aux Ray-Ban.

La construction

Mike Tomlin est né à Hampton en Virginie, ville d’une centaine de milliers d’habitants sur la cote est du pays. Il y grandit avec son frère ainé Eddie, tous deux élevés par une mère célibataire. Son père Ed, drafté par les Colts de Baltimore puis joueur en ligue Canadienne, a quitté le domicile alors qu’il n’est encore qu’un bébé. Il lui faudra attendre l’âge de six ans pour avoir un référent masculin, son beau-père Leslie Copeland. Lorsqu’il retourne « chez lui » bien des années plus tard, il se réjouit d’y voir une certaine évolution des mentalités.

« C’est sympa de voir des enfants noirs sortir de cette piscine. Enfants, on passait devant tous les jours mais sans que ce soit interdit, on savait que ce n’était pas pour « nous ». Et puis l’inscription était trop chère de toute façon. », Mike Tomlin à Hampton pour ESPN

Pas de piscine donc mais très vite il se prend de passion pour le football. Ce jeu occupe son esprit la plupart du temps. Avec la lecture, mais là il n’a pas vraiment le choix car sa mère oblige ses deux garçons à lire les classiques, l’instruction avant tout. Une éducation qui le servira toute sa vie, des hot-dogs et bonbons gagnés dans les concours de lecture pour enfants à la bourse d’études pour une des écoles publiques les plus prestigieuse du pays : William & Mary.

Mike tomlin se souvient de ces plats dont on ne mangeait que la moitié, l’autre mise au frigo était servi plus tard. Un environnement modeste mais solidaire où plusieurs familles se retrouvaient pour partager un repas.

« Souvent, on voyait des voisins nous rendre visite et, au moment du repas on sentait qu’ils avaient prévu de rester. C’était une sorte de coopérative des familles où les mères célibataires du quartier prenaient soin les unes des autres. », disait Mike Tomlin à ESPN en 2016

Tout le monde (noir) connaissait tout le monde et le jeune Mike Tomlin y forge son assurance, rendant service à gauche, recevant de la nourriture à emporter à droite. Tous se souviennent d’un adolescent serviable et charismatique. Plus tard, alors son coéquipier à l’université, Darren Sharper (14 ans en NFL en tant que safety) aime la personnalité de ce jeune homme venant du même état que lui.

« La confiance en soi n’a jamais été un problème pour Mike. Il pouvait chambrer non seulement les joueurs mais aussi les entraineurs. Il avait cette façon de piquer qui faisait rire sans jamais blesser. », Darren Sharper pour The New York Times

Fun fact, coéquipier à William & Mary, Mike Tomlin fut quelques années après le coordinateur défensif de Darren Sharper aux Vikings du Minnesota. Et pour arriver jusqu’à cette université, le ressort fut le même que celui qui a toujours fonctionné avec lui : le mettre au défi.

Le décollage

Au lycée de Newport, Mike Tomlin est un étudiant correct. L’éducation reçue de sa mère avec notamment des heures passées à lire, lui permet sans forcer d’avoir un peu plus que la moyenne. il est un étudiant « B » dans le système A-B-C-D-E utilisé aux USA. Lui qui rêve de jouer au football, cela est suffisant pour espérer obtenir une bourse d’études et poursuivre son rêve de gridiron. Jusqu’au jour où une professeur, voyant les capacités de cet étudiant la jouant facile, décida de lui donner un challenge : obtenir un A dans son cours.

« J’ai toujours été un compétiteur et cette madame Gunner m’a défié avec les bons mots. Mes deux dernières années au lycée, je n’ai eu que des A. Pas seulement dans sa matière mais dans toutes ! », Mike Tomlin pour steelers.com

Il reçoit alors des lettres de Duke et de Stanford, soit parmi les meilleures universités du pays. Il décide néanmoins de rester dans son état de la Virginie et accepte l’offre de l’école la plus réputée de la région. À William & Mary, il obtiendra un diplôme en sociologie tout en poursuivant son but d’être un receveur en NFL. En 1994, il termine la saison avec une moyenne de 20,2 yards par réception. Et, tout en travaillant pour améliorer ses capacités, c’est en fait toute sa compréhension du jeu qu’il faisait progresser.

« En voulant améliorer mon jeu, sans le réaliser, j’affutais mes aptitudes d’entraineur. J’étudiais les schémas et pas seulement les tracés des receveurs mais aussi, les défenses et les quarterbacks. Quand tu joues cette position, tu dépends beaucoup des autres pour réussir. C’est d’ailleurs pourquoi aujourd’hui, je suis si patient avec les joueurs qui jouent cette position. », Mike Tomlin pour le New York Times

C’est ainsi qu’à la fin de son cursus universitaire, Mike Tomlin n’est pas drafté pour jouer en NFL mais trouve tout de suite un emploi, comme entraineur des receveurs de la Virginia Military Institute. Puis après un passage par l’université de Memphis, il occupa le même poste à Arkansas State. L’année suivante, il est toujours en charge de la même portion du terrain mais de l’autre coté. Il est entraineur des arrières défensifs avec Arkansas State (1998) puis avec l’université de Cincinnati (1999 et 2000).

C’est là que cette NFL, objet de tous ses rêves de gosse, vient le chercher.

L’ascension

En 2001, les Buccaneers de Tampa Bay sont à la recherche d’un entraineur des defensive-backs et après une longue entrevue, l’entraineur Tony Dungy et le coordinateur défensif Monte Kiffin sélectionnent Mike Tomlin. Une équipe déjà performante grâce à une défense dominante avec deux futurs Hall of Famers Warren Sapp et Derrick Brooks. Aussi, un safety aujourd’hui en charge de la destinée des 49ers de San Francisco, John Lynch.

« Monte Kiffin me téléphone et me dit qu’il a une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne est qu’ils ont trouvé un super entraineur des arrières défensifs. J’ai demandé alors qu’elle était la mauvaise et il m’a répondu : il a un an de moins que toi ! », John Lynch pour le NY Times

Jamais évident pour quiconque d’arriver dans un vestiaire NFL, si plein d’egos et de testostérone. Plus encore pour un jeune homme de seulement 28 ans. Là encore, son background fait de confiance en soi et d’intelligence permet néanmoins à Mike Tomlin de s’y faire respecter. Après seulement deux semaines de présence dans l’équipe, lors du camp d’avant-saison, Mike Tomlin organise une réunion avec le safety déjà trois fois élu au Pro Bowl : il lui présente alors un montage de 75 actions que ce dernier aurait pu (du) mieux jouer la saison précédente !

« Au départ, j’étais un peu « mais c’est qui lui ? ». Puis, il montrait une action et ensuite il argumentait sur ce que j’aurai du mieux faire. En fait, dès le début j’ai beaucoup appris avec lui et ça m’a définitivement conquis. », John Lynch pour le New York Times

Cette saison 2001, les Buccaneers atteignent une nouvelle fois les playoffs avec la 6e défense NFL. L’année suivante seul l’entraineur principal a changé, avec l’arrivée de Jon Gruden. Mike Tomlin, John Lynch et les autres ont alors la défense numéro 1 du pays, que ce soit en points ou en yards encaissés. Et au final, tous remportent le Super Bowl 37 !

Cinq saisons en Floride puis un poste de coordinateur défensif avec les Vikings et enfin, son premier poste d’entraineur principal avec les Steelers de Pittsburgh en 2007.
Il a alors seulement 34 ans.

Depuis ? L’histoire est connue. De la victoire lors du Super Bowl 43 à la gestion des talentueux mais parfois compliqués Antonio Brown, Ben Roethlisberger et Leveon Bell. 13 saisons et aucun bilan négatif. Pas même en 2019 lorsque « Coup de casque » Rudolph ou « Canard » Hodges étaient ses quarterbacks. 141 victoires pour 74 défaites (1 nul).

En 2020, les Steelers ont débuté la saison avec 8 victoires en autant de matchs. Et si la saison 2020 était à nouveau celle de Mike Tomlin ?

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