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La langue bleue
17 mai 2016 |Jean Dion | Actualités sportives
Cela ne s’oublie guère. Claudius Cornedurus. Obélix, dit le grassouillet réjoui, qui s’interroge légitimement : « Je suis romain, moi ? » Les champignons qui gardent toute leur saveur quand ils sont sautés. La Cropole. Le colosse de Rhodes et son frérot. Sparte. Les Spartiates qui ne mangent que le noyau des olives et le gras de la viande. Et bien sûr, la potion magique remisée dans la cabane du fond dont la porte ne ferme pas bien et qui n’est pas gardée la nuit.
Et tous les athlètes romains ayant participé à la course de 24 stades se ramassent la langue bleue. Non, César ne sera vraiment pas content.
Goscinny et Uderzo ont écrit et dessiné Astérix aux Jeux olympiques en 1968. Peut-on avancer qu’ils étaient des visionnaires, oui ou oui ? C’était quand même huit ans avant que nous ne découvrions avec un ahurissement légitime la grâce des nageuses est-allemandes dans la piscine de Montréal.
Et là, qu’apprenons-nous avec un autre ahurissement légitime alors même que nous venions tout juste de nous débarrasser du premier ? Que selon l’ancien directeur du laboratoire chargé des tests antidopage aux Jeux de Sotchi, un monsieur Grigory Rodchenkov qui semble posséder des informations suffisamment compromettantes pour croire bon de trouver refuge aux États parce qu’il craignait pour sa propre sécurité, ce n’était pas la cabane du fond dont la porte ne ferme pas bien et qui n’est pas gardée la nuit, mais pas loin.
L’opération, a dit Rodchenkov, était menée avec la précision d’une horloge suisse. Les services secrets russes y participaient, et des dizaines d’athlètes, dont plusieurs champions et autres médaillés olympiques, étaient touchés. Le procédé ? On remplaçait les échantillons des dopés par d’autres des mêmes athlètes pris plusieurs mois auparavant et propres. Les changements s’effectuaient pendant la nuit alors qu’on passait les flacons par un trou aménagé dans un mur du labo que camouflait un meuble pendant la journée. Le New York Times, qui a publié le témoignage de Radchenkov, a même diffusé une photo de la chose et, pour tout dire, c’est assez émouvant.
Parfaitement, madame, monsieur, un passage secret utilisé à la faveur des ténèbres pour transbahuter des fioles de pipi. Si on ne se retenait pas et si on disposait des subventions idoines, on aurait envie de faire un film là-dessus. Titre provisoire suggéré : Un trou la nuit.
Bien entendu, les autorités en place ont véhémentement nié, et on a crié à la calomnie de la part d’un renégat qui a fui le pays. Mais on ne sait pas trop pourquoi Rodchenkov aurait inventé pareil scénario rocambolesque, et le ministre des Sports de Russie, Vitaly Mutko, a d’ailleurs déclaré dimanche qu’il y a eu du dopage généralisé au moins en athlétisme dans son pays et qu’il en a un peu honte.
Bref, César n’est pas content. Un passionnant dossier à suivre.
Dans la catégorie « dans le temps, on avait affaire à des vrais de vrais », le lanceur partant des Nationals de Washington Max Scherzer a réussi 20 retraits au bâton en 9 manches de boulot mercredi dernier contre les Tigers de Detroit, égalant ainsi un record du baseball majeur.
Un record, certes, mais attention : pour une joute de 9 manches. En fait, la marque absolue est de 21 retraits sur trois prises dans un match, établie le 12 septembre 1962 par Tom Cheney, des Senators de Washington (aucun lien de parenté avec les Nationals, qui sont plutôt maintenant les Rangers du Texas, vous savez, l’équipe de Rougned Odor, qui a servi une sacrée mornifle à Jose Bautista dimanche, et si vous n’avez pas vu ça, courez vite au site du baseball majeur dans les Internets, c’est assez impressionnant). Vous ne connaissez pas Tom Cheney ? C’est peut-être parce qu’il n’a récolté que 19 victoires en carrière, mais toujours est-il que, ce jour-là, il avait le chic pour passer l’adversaire dans la mitte.
Cheney a donc réalisé son exploit en 16 manches dans une victoire de 2-1 des Senators sur les Orioles de Baltimore. Tout à fait : il a lancé les 16 manches. Essayez d’imaginer cela aujourd’hui, le gérant recevrait son 4 % dès la 10e.
Ce qui nous amène tout naturellement à évoquer le plus long match de l’histoire des majeures, nous en avons tous un vague souvenir attendri, le 1er mai 1920. Les Robins de Brooklyn affrontaient les Braves de Boston, et c’était 1-1 après 26 manches quand il a fallu interrompre la rencontre en raison de la noirceur.
Or, dans ce match, les lanceurs partants Leon Cadore et Joe Oeschger étaient toujours à l’oeuvre lorsqu’on a arrêté les procédures.
Des vrais, qu’on vous dit.
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